Kiev est sans doute l’une des villes les moins plébiscitées par les voyageurs en Europe. Et pourtant cette belle capitale d’Europe de l’Est à tout pour plaire. L’architecture y est assez unique, la population pacifique et la vie bon marché. Certes au cours de l’année le climat n’est pas exceptionnel mais on peut profiter de très belles journées entre les mois de mai jusqu’à septembre. Faire escale à Kiev, c’est découvrir un monde méconnu et encore à l’écart du tourisme de masse. Faire une escale à Kiev c’est vivre une expérience comme peu de pays peuvent vous en faire vivre. C’est aussi découvrir une histoire méconnue d’un pays. La traduction littérale d’Ukraine signifie en français: « à l’extrémité ». L’Ukraine se situe géographiquement à la limite du monde slave, entre deux mondes. C’est peut-être pour cela que ce pays se trouva très souvent sur des lieux de batailles.
Escale à Kiev, le berceau de la Russie et la capitale du malheur
Derrière les jolies façades, les églises et les grandes avenues se cache une histoire tragique et peu reluisante. Kiev pourrait presque être baptisée la capitale du malheur. Guerres, génocides et catastrophes sanitaires multiples font partie de l’histoire parfois méconnue de ce pays.
La guerre civile 1917 – 1921
Derrière son apparence de grande métropole d’Europe de l’Est, Kiev pourrait être intronisée comme la capitale du malheur. Le début du XX ème siècle sera marqué par un évènement tragique appelé la guerre civile russe. Du 7 novembre 1917 jusqu’au 25 octobre 1922, le pays est en guerre. Et la fin de la guerre rimera avec l’arrivée au pouvoir des bolchéviks et la formation de l’URSS. L’Ukraine intègre donc cette Union politique et la Nouvelle Economie Politique (la NEP s’imposera bientôt à tous).
L’Ukraine, l’URSS et Staline
Quelques années après ce virage politique vers le collectivisme, les réticences sont de plus en plus nombreuses. Les résistances au pouvoir central se font sentir dans les campagnes et surtout dans les pays satellites tels que l’Ukraine ou le Kazakhstan.
En 1922, Staline devient donc Secrétaire Général du PCUS. Puis progressivement il élimine tous ses adversaires politiques et renforce son pouvoir. Puis en 1928, il met officiellement fin à la NEP et il lance un plan quinquennal ambitieux. Pour financer sa politique d’industrialisation il ponctionne tout ce qu’il peut sur les campagnes. L’idée étant d’échanger des céréales contre des machines pour industrialiser le pays. Pour arriver à ses fins, Joseph Staline n’hésite pas à passer par la nationalisation des terres, du bétail et des exploitations agricoles. Les fermes traditionnelles deviennent des kolkhozes ou des sovkhoses.
Et c’est à ce moment là que tout basculera pour l’Ukraine. Les exploitations agricoles collectives (Kolkhozes) et les fermes d’Etats (Sovkhozes) ont une productivité assez faible. Une situation qui est aggravée par les millions de koulaks qui résistent comme ils peuvent à la nationalisation de leurs biens. En réponse à cela des millions de paysans seront déportés dans des camps (le goulag). Les victimes de ces représailles sont les koulaks (les « fameux » paysans riches tant décriés par les soviétiques). Mais peut-on parler de paysans riches en Europe de l’Est au tout début du XX ème siècle? et qui plus est après une guerre civile qui aura duré cinq années.
La famine ukrainienne de 1932 – 1933
Dans la deuxième moitié de l’année 1932 l’Ukraine sera frappée par une immense famine dont la réalité ne tient à l’entêtement que d’un seul homme, Joseph Staline. Et dont le résultat sera la mort de millions d’ukrainiens. Pour les historiens cela ne fait aucun doute, il s’agit d’un génocide. Entre 2,5 et 5 millions de personnes y perdront la vie. La famine, « Holodomor » marquera durablement les esprits. Les terres noires si fertiles de l’Ukraine, confisquées et mal exploitées ne seront d’aucun secours puisque le peu d’aliment qui aura été produit sera systématiquement spolié par Moscou et Staline.
Lors des premières récoltes de 1932, le pouvoir central remarque une baisse du niveau des récoltes. Il faut dire que le pouvoir en place récupère tout et ne laisse rien aux travailleurs des champs. Celui-ci réagit alors violemment et s’empare de toutes les récoltes et même de celles des fermes collectives (les kolkhoz). Pour survivre les paysans sont contraints à ponctionner ce qu’ils peuvent dans les champs. En réaction aux vols des paysans, une loi est finalement promulguée le 7 août 1932. C’est la loi dîtes « des épis ». Toute personne prise à voler quoi que ce soit dans les champs sera immédiatement envoyée au Goulag.
Dès l’arrivée de l’hiver en octobre, les gens des campagnes commencent à mourir de faim et de froid. Certains tentent leur chance en partant travailler dans les villes. Pour stopper l’exode rural, les autorités soviétiques imposent un passeport intérieur pour maintenir les paysans sur leur lieu de résidence. A partir de ce moment on peut compter en Ukraine jusqu’à 15 000 morts par jour. Face à la famine, certains se suicident, d’autres se livrent au cannibalisme.
Il faudra attendre le printemps 1933 pour que la famine cesse avec le retour des légumes dans les petits potagers privatifs des paysans ukrainiens.
L’épisode du Holodomor sera officiellement reconnu en 2006. Une loi sera finalement votée par le parlement ukrainien qui entérinera ainsi définitivement la notion de génocide contre le peuple ukrainien. La famine organisée et utilisée comme arme de destruction massive par les responsables soviétiques de l’époque devient ainsi incontestable.
La seconde guerre mondiale
Kiev est considérée comme la mère de toutes les villes russes. C’est même le berceau de la Russie. Mais Kiev est encore à travers le temps, la capitale d’un pays qui semble maudit. Le continent des ténèbres se trouve peut-être ici, comme l’évoquait Marc Mazower dans un de ses livres publié en 2005.
Selon les historiens, l’Ukraine aurait perdu pendant la période de la seconde guerre mondiale entre 5 à 6 millions de soldats et 4 millions de civils. Parmi les victimes civiles, les historiens estiment qu’un quart des morts étaient des juifs (soit un million de victimes).
Kiev en images
Malgré une architecture impressionnante, les tramways vétustes et les routes défoncées sont là pour témoigner que l’Ukraine est malheureusement un pays en guerre qui est également l’un des pays les plus pauvres d’Europe.
Le Dniepr et ses affluents
Ce grand fleuve ukrainien passe entre autre par Kiev. Mais ici on appelle le fleuve la mer de Kiev. En effet une grande retenue d’eau de plus de 900 kilomètres carrés a été créée au début des années 60. Il faut dire qu’avec ses 2290 kilomètres de long et son débit (à l’embouchure de 1670 mètres cubes) ce grand fleuve européen a tout de suite été mis a contribution pour la production industrielle du pays. Certes les industries lourdes vont fortement polluer les eaux de ce fleuve en métaux lourds. Pour rappel ce fleuve alimente près de 35 millions de personnes en eau potable.
La catastrophe de Tchernobyl (1986)
Mais l’épisode de pollution le plus effrayant proviendra de l’un des affluents du Dniepr. La petite rivière Pripiat passe par la ville éponyme où se trouve la tristement célèbre centrale de Tchernobyl. Une centrale qui connaîtra deux avaries nucléaires sur son réacteur 4 (le 26 avril 1986) et son réacteur 2 (le 11 octobre 1991). La première avarie fut classée par les experts comme la catastrophe nucléaire la plus grave de tous les temps. Pour information, la ville de Kiev n’est située qu’à une centaine de kilomètres de la centrale de Tchernobyl.
Le métro de Kiev
C’est en Ukraine que se trouve la station de métro la plus profonde du monde. Lorsque l’on souhaite descendre ou remonter il faut franchir la barre vertigineuse de 105,5 mètres de dénivelé vertical. Si les stations de l’ex-URSS étaient si profondément enfouies c’est tout simplement parce qu’elles étaient sensées servir également d’abri antiatomique. D’ailleurs de lourdes portes se trouvent à chaque extrémité du quai. Ces immenses portes sont là afin de limiter autant que faire se peut la dispersion des radiations et pour couper l’effet de souffle.
Mais derrière les raison qui ont imposé de creuser si profondément les stations de métro, se cache une légende urbaine. Une histoire que tous les habitants de l’ex-URSS se refilent sous le manteau. Les escalators soviétiques ont en effet mauvaise presse dans cette partie du monde. Et ceux qui empruntent quotidiennement le métro n’ont peur que d’une seule chose, que la marche qui se trouve sous leurs pieds se dérobe. Perdre ses jambes ou mourir dans un accident d’escalator c’est un peu la hantise des voyageurs du métro.
Les escalators qui conduisent à la station la plus profonde du monde
Les accidents d’escalator les plus connus sont notamment celui Jingzhou (province chinoise du Hubei) où une femme d’une trentaine d’années est morte broyée par un escalator. Le décès de cette femme avait été rapporté par l’AFP car cette mère de famille avait consacré ses derniers moments à sauver son jeune enfant. La trappe de maintenance de l’appareil à l’arrivée était a priori mal fixée. Un an plus tard en 2016, toujours en Chine, c’était au tour d’un réparateur d’escalator de se faire happer par la machinerie. Alors qu’il s’apprêtait à intervenir sur la mécanique, l’escalator s’est remis en marche (l’accident s’est déroulé dans un supermarché du district de Bebei). Il s’en est sorti avec de nombreuses blessures sur le corps mais il a eu la vie sauve. Concernant l’Ex-URSS nous n’avons pas eu accès aux statistiques. Mais ce n’est pas pour rien que des babouchkas employées par le ministère des transports veillent 18 heures par jour sur ces escalators avec le doigt sur le bouton d’arrêt d’urgence.
Kiev, une capitale religieuse
Entre les nombreuses églises de la ville on peut croiser de très nombreux soldats en permission. Certains viennent se recueillir à l’église d’autres font juste une petite escale à Kiev avant de retourner sur le front. Il faut reconnaître que depuis les troubles de 2014, place Maïdan et le départ du président Ianoukovitch, l’Ukraine est en proie à une guerre civile. Une guerre de plus ou moins forte intensité qui dure désormais depuis près de huit ans. Avec l’appuie de Moscou, le Donbass a donc fait sécession tandis que la Crimée a rejoint la Fédération de Russie au terme d’un référendum discutable.
Une élection fut effectivement organisée sur le mode de l’autodétermination des peuples à disposer d’eux-mêmes. La réponse du berger à la bergère en forme de punition pour l’Ukraine qui n’avait rien demandé à personne. Un vote qui a eut lieu dans les mêmes conditions de partition de la Serbie quelques années plus tôt. Les Russes ont donc organisé une élection comme le référendum qui avait été organisé par les Etats-Unis au Kosovo, dans le seul but de récupérer la Crimée.
Le point d’orgue c’est bien évidemment la guerre déclarée unilatéralement par la Russie le mercredi 24 février à 5 heures du matin. Une déclaration suivi de l’envahissement de l’Ukraine qui montra une résistance assez surprenante malgré la préparation minutieuse des russes.