Emile Zola et Paris

Les romans d’Emile Zola font partie de cette catégorie d’ouvrages que tout le monde a chez soi mais que malheureusement personne ne lit.

Zola était fasciné par Paris. Emile Zola et Paris c’est avant tout l’histoire d’un amour fou. Cela s’en est d’ailleurs ressenti dans ses écrits. Emile Zola est sans aucun doute l’un des auteurs qui a le plus parlé de Paris dans ses livres. Il en détaille l’atmosphère mais aussi sa lente évolution.

Tout commence en 1840, au quatrième étage du numéro 10 de la rue Saint-Joseph. C’est dans cet immeuble du deuxième arrondissement de Paris qu’Emile Zola vient au monde. L’histoire entre Zola et Paris venait de commencer. Il passera néanmoins son enfance à Aix-en Provence. Mais suite à un coup du destin, à la mort de son père, Zola doit abandonner ses études et trouver un travail. C’est ainsi qu’il commença à travailler en tant que commis dans une maison d’édition.

L'avenue Emile Zola dans le 15 ème arrondissement de Paris
L’avenue Emile Zola dans le 15 ème arrondissement de Paris

Emile Zola et Paris, une histoire d’amour

Cet auteur français du XIX ème siècle a été très productif sur le plan littéraire. La plupart de ses romans se déroulent à Paris. Des ouvrages qui nous donne suffisamment de détails pour découvrir le Paris d’antan. Parmi ses écrits, il y a trois ouvrages qui décrivent particulièrement bien son époque et Paris. Il s’agit de l’Assommoir, la Curée et Au bonheur des Dames. Une critique en trois actes d’une société parisienne qui se déshumanise peu à peu. La transformation à marche forcée de Paris le contrarie au point d’en tirer de nombreux romans.

Trois ouvrages et trois critiques de Paris

Le boulevard Haussmann vue depuis les toits du Printemps
Le boulevard Haussmann vue depuis les toits du Printemps

Emile Zola vit a une époque où Paris se transforme à vue d’oeil pour devenir une ville moderne. Paris devient une ville de plus en plus peuplée, une transformation encouragée par la révolution industrielle. Désormais ce sont dans les villes qui se trouveront les travailleurs. Et puis il y a la transformation de l’architecture parisienne. Paris ressemblait à Rome et elle est devenue une ville rectiligne, pour certain elle en aurait perdu son âme.

La Curée, publiée en octobre 1871

«  Paris tranché à coups de sabre, les veines ouvertes, nourrissant cent mille terrassiers et maçons… «   

Avec un titre pareil on comprend vite qu’Emile Zola ne porte pas dans son coeur les transformations de Paris dans cette seconde moitié du XIX ème sicle. Dans ce roman on découvre une vie de débauche durant le second empire. Une sorte de luxure capitaliste, puisque les intérêts de l’élite oscillent invariablement entre les plaisirs de la chair et de l’or. L’intérêt pour l’argent et l’appât du gain rapide est illustré par un personnage Aristide Rougon. Un homme qui achète des terrains et qui fit son beurre durant les transformations rapides et la politiques de grands travaux menés par le baron Haussmann. La Curée est donc une critique sociale et sociétales. L’occasion de découvrir les transformations géographiques de Paris sur fond de liens occultes, de prises illégales d’intérêts ou de délits d’initiés. Avec la suppression de nombreux quartiers parisiens c’est tout un pend de la société qui disparaît. Les premiers touchés sont évidemment les quartiers populaires mais c’est aussi la spoliation de bien rachetés à vils prix et revendu ensuite à prix d’or à la Mairie de Paris. beaucoup de  parisiens perdront soit leur logement soit beaucoup d’argent.

Mais la Curée c’est aussi la description chirurgicale des travaux d’Hercule lancés par le Baron Haussmann. On creuse dans Paris d’immenses boulevards, on creuse, on fait des tranchées, on saigne à vifs les quartiers.  Et pendant ces opérations ce sont parfois des quartiers entiers qui disparaissent de la surface de Paris.

L’un des points les plus forts du roman c’est sans doute celui où Saccard qui contemple Paris depuis la butte Montmartre déclare:  » C’est bête ces grandes villes ! II ne se doute guère de l’armée de pioches qui l’attaquera un de ces beaux matins, et certains hôtels de la rue d’Anjou ne reluiraient pas si fort sous le soleil couchant, s’ils savaient qu’ils n’ont plus que trois ou quatre ans à vivre « 

L’Assommoir, un roman publié en 1877

Avec ce roman Emile Zola traite des conséquences sociale des changements de Paris sur la vie des gens. Alors que Paris est en train de devenir une grande capitale moderne qui éblouira le monde lors de l’exposition universelle de 1898, Emile Zola choisit de parler de l’Assommoir. Un quartier du nord de Paris qui est délaissé par la politique de grand travaux du Baron Haussmann. Un quartier où viennent s’entasser les exclus et les travailleurs pauvres. Ces parisiens qui n’ont plus leur place dans ce nouveau Paris et qui viennent s’entasser inlassablement dans le quartier de la Chapelle.

Avec l’Assommoir c’est une plongée dans la misère noire des quartiers oubliés de Paris que décrit Emile Zola. Une critique sociale et un constat d’échec  qui provoquera un tollé lors de sa sortie. On ne juge pas forcément le fond mais plutôt la forme. En effet pour la société de l’époque les mots et le style est jugé trop cru. Emile Zola avait anticipé la critique en inscrivant dans sa préface que c’est « le premier roman sur le peuple, qui ne mente pas et qui ait l’odeur du peuple« .

Emile Zola décrira dans un style naturaliste, les difficultés du petit peuple qui ne trouve pas sa place et qui a été projeté dans un quartier délaissé, délabré. Un quartier de Paris où s’installe l’alcoolisme, une sorte d’autodestruction dont l’inévitable issue est la honte suivie inexorablement par une mort prématurée.

Au Bonheur des Dames, publiée en 1882

« C’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches » L’homme qui rit, Victor Hugo, 1869.

Dans ce nouveau roman, après avoir attaqué Haussmann et les grands travaux dans la Curée, après avoir dépeint une société malheureuse vers le quartier de la Chapelle, Emile Zola s’attaque aux nouveaux riches. Au Bonheur des Dames, c’est avant tout un état des lieux sur la nouvelle religion de Paris. Une fièvre acheteuse qui semble illustrer une terrible maxime voulant que le paradis des riches soit fait de l’enfer des pauvres. Un terrible constat énoncé quelques années plus tôt par Victor Hugo.

Avec ce roman on découvre l’univers des grands magasins « les cathédrales du commerce moderne » qui théâtralisent à outrance la vente et qui valorise ses clients. Le résultat est sans appel, les boutiques parisiennes en paieront le prix fort par leur fermeture. Au programme la Samaritaine rive droite, le Bon Marché rive gauche et le Printemps sur les grands Boulevards juste derrière l’Opéra. On découvre les stratégies commerciales, l’anéantissement de la concurrence. Mais au-delà de la vente, ce que proposent ces grands magasins c’est surtout d’offrir le sentiment de d’appartenir à la nouvelle élite sociale. Une promesse qui pourrait se traduire en une phrase:

« Vous souhaitez montrer que vous avez de l’argent ? nous allons vous en donner l’opportunité ».

Au Bonheur des Dames, c’est aussi le triste constat de la fin du vieux Paris. Emile Zola est amoureux d’un Paris qui ne reviendra pas. La ville qu’il a tant aimée est en train d’être anéantie sous ses yeux. Paris concentre toutes les gares, toutes les attentions et tous les investissements. Une hyper centralisation qui dessert principalement le capital et l’enrichissement des plus aisés. La marche forcée vers l’urbanisation provoque la destruction de quartiers entiers et la disparition de petites échoppes. Malgré ses critiques acerbes sur les stratégies commerciales et la transformation de Paris, Zola ne manque pas de reconnaître l’aspect positif de la reconstruction. En effet la capitale sous l’action d’Haussmann devient plus propre et plus vivable. La création de canalisations pour l’évacuation des égouts, la création de parcs, de grandes halles et de larges avenues qui ont rendu Paris vivable. Zola, philosophe, terminera par dire que tout cela n’était peut-être qu’un mal nécessaire.

La grande façade des grands magasins Dufayel
La grande façade des grands magasins Dufayel

Zola l’épilogue d’une vie

Emile Zola, romancier, journaliste, défenseur des libertés et des pauvres s’est éteint à Paris le 29 septembre 1902 au 21 bis rue de Bruxelles dans le neuvième arrondissement de Paris. Alors qu’il vient de rentrer de Medan où il avait passé avec sa femme les mois de l’été, il fait un feu pour réchauffer leur chambre. Pendant la nuit Alexandrine et Emile Zola seront intoxiqués à cause de ce feu de la cheminée. Le matin des médecins sont appelés en catastrophe mais ils ne peuvent que constater la mort du célèbre écrivain à 10 heures du matin. Une mort accidentelle due à une intoxication au dioxyde de carbone. Son épouse survivra à ce terrible sort.

Né à Paris, mort à Paris, cet homme s’est illustré comme un écrivain populaire, ses livres ont d’ailleurs été traduits et publiés dans le monde entier. Ils ont été plus tard adaptés au cinéma ainsi qu’à la télévision. Même si Zola a marqué, l’histoire de la littérature comme le principale chef de file du mouvement naturaliste, c’est en tant que journaliste politique et humaniste qu’il restera dans la postérité. La publication en 1898 de son célèbre « j’accuse » dans le quotidien l’Aurore feront de lui un héros. Même si cela lui coûtera un procès pour diffamation ainsi qu’un exil de onze mois à Londres. Chaque époque a décidément ses vérités qu’il n’est pas forcément aisé de démentir. Le 4 juin 1908, soit six ans après sa mort Emile Zola entre au Panthéon, il rejoint ainsi les Grands Hommes de la Nation.

crédits photos: Yann