Paris est une fête disait Hemingway. La capitale française ne laisse jamais indifférent. Elle provoque même un espèce d’électrochoc à ceux qui la découvre. Le surplus d’adrénaline se traduit parfois chez les nouveaux venus par une sorte de frénésie vestimentaires. Des jeunes et des moins jeunes qui à peine débarqués du train arpentent les rues de Paris avec des tenues provoquantes et colorées. Parce que je le vaux bien. La mode comme les visiteurs du soir sont éphémères, ils ne restent jamais très longtemps. Mais parmi ces ambitieux existe un type de personne plus retord. Une caste de personnes qui se déterminent en tant « qu’artistes » comme Monsieur Jourdain se croyait poète il y a quelques siècles. Si vous peingnez c’est que vous êtes artisite-peintre. Au XXI ème siècle les artistes de rues sont légions. Ils ont appris les codes de leurs aînés et se sont lancés dans une vaste entreprise de copier coller sur les murs de la capitale. Un processus où la répétition est la seule clef du succès.
Zoom sur les nouveaux « street » artistes qui ont pris d’assaut les rues de Paris
Dans les années 90 on a eu les graffeurs. Une sorte de génération spontanée de jeunes qui souhaitaient devenir visibles. Ils taguaient, ils graffaient. On pouvait être d’accord avec eux ou considérer leurs tags comme une dégradation, cette génération cherchait avant tout à exprimer quelque chose avec ce nouveau moyen d’expression permis par l’arrivée des marqueurs indélébiles. Généralement leurs lieux de prédilections se limitaient au mobilier urbain, au bus et au métropolitain.
Mais il y a eu dans cette histoire l’apparition des artistes de rues, une rupture. La première fût l’avènement de Bansky ou du carreleur non moins célèbre « inviders ».
A partir du moment où les sous ont commencé à investir l’art de rue des petits malins prêts à tout ont décidé eux aussi de tabasser un message artistique jusqu’à ce qu’il en devienne insupportable. La route vers le succès impose la loi du nombre.
Des VRP qui collent aux murs
Ces nouveaux arrivistes ont très vite compris qu’il fallait exercer dans les quartiers les plus branchés de la capitale. Coller, bricoler des choses insolites et anecdotiques sur les murs de Paris. Sans oublier le fond.
C’est ainsi que le XXI ème siècle a vu émerger à Paris une génération d’artistes spontanés qui ont décidé d’investir les murs de Paris. « C Pari kétanou ». En collant son œuvre qui ne vaut rien sur un mur, on gagne du temps. On expose, on transgresse, on déconstruit et on cherche à chaque fois à marquer les esprits.
les règles du jeu
Enfreindre les règles devant un public cela permet de bénéficier d’un effet de sidération. Même si votre message n’est pas vraiment abouti, même si votre démarche n’est pas franchement artistique vous allez pouvoir bénéficier de l’effet de surprise. La sidération fera oublier, à celui qui regarde, les normes les plus élémentaires de l’esthétisme. Une fois que cela est bien compris il suffit de passer à l’acte. Même sans avoir de réel talent cela marche. Il faut juste choisir un mur fraîchement rénové. Les VRP de l’art le savent. Pour vendre il faut que l’emballage soit joli et le message marketing le plus policé possible. Et si l’on ajoute une touche d’insolite le pari est gagné.
Pour éviter les poursuites judiciaires il faut nécessairement passer par un pseudo. Un surnom malin qui doit transpirer l’intelligence et la supériorité d’une démarche très réfléchie et nécessairement artistique. On est très loin des artistes de rue qui officient au sein de collectifs, on est très loin des graffeurs qui dessinaient dans les tunnels dans les années. La cible de ces commerciaux ambitieux prêts à tout pour vendre « leurs créations » c’est pour l’instant « l’ultra-centre ».
Les vrais VRP de la rue officient au plus près des agences de communication et des rédactions. On colle à Saint-Paul (le Marais) et on tague désormais à Arts et Métiers (3 ème arrondissement de Paris). Et si ces artistes ont le malheur de passer dans le 10 ème c’est juste pour souffler un peu. Acheter quelques cigarettes à la sauvette et pour déjeuner pour pas cher. Néanmoins pour ne pas êtes démasqués on imagine bien que certains iront coller leurs créations dans les quartiers plus périphériques pour aller chercher un peu plus de légitimiter. Le Vrp est malin, il s’offusque, réalise des ruptures et s’adapte en permanence. La clef c’est de s’xposer pour créer une sensation de célébrité. « Fuck me I am Famous »
Petites phrases et dégradations en continu
La liste des ambitieux qui aimeraient un jour voir leur œuvres vendues pour quelques centaines de milliers d’euros est longue. Aussi longue que les dégradations qu’ils font subir au mobilier parisien.
Il faut dire que la Mairie de Paris a dans un premier temps été assez conciliante avec les VRP de l’art. Des formations avaient même été organisées pour apprendre au personnel de la ville de Paris à ne pas « détruire les œuvres d’arts » qui se trouvaient sur les murs.
C’étaient une sorte de rhétorique assez pointue. Une formation qui s’efforçait de différencier le bon graffiti du mauvais graffiti. Un peu comme les inconnus qui enseignait aux français dans les années 90 à faire « la différence entre le bon chasseur et le mauvais chasseur » à travers un sketch hilarant.
Il y a ceux qui collent des portraits, des cadres de vélos, des photos ou des messages pseudo-poétiques. « l’amour coure toujours dans les ruelles de Paris ». Miss Tiques, Sacolle. Les marques ont senti le filon et même la marque de luxe Balenciaga s’y est collée. (source : Le Parisien, l’affichage sauvage mis à l’amende, article du 28 octobre 2021)
On apprenait ainsi que la marque avait accepté une campagne de promotion de la part de la société Urban Act pour coller des affiches dans Paris. La société de communication avait alors été condamnée par le tribunal administratif à payer une amende administrative de 15 000 euros.
La communication de rue pour mieux vendre
Ce qui fût longtemps la chasse gardée de quelques particuliers culotés auto-proclamés artistes est en train d’être récupéré par les patrons des agences de communication. Il est en effet hors de question de laisser le magots filer.
Avant on exposait dans des galeries maintenant on expose gratuitement devant ces mêmes lieux. Une sorte de piratage un procédé plus connu sous le terme de « life hack ». Une façon comme une autre de s’exposer sans rien payer. A une seule condition: faire partir de la petite minorité qui osera transgresser. Aujourd’hui le processus se généralise et devient invasif. Les « artistes » qui collent leurs créations dans la rue ne sont que la face caché du phénomène.
Pourra-t-on vivre avec 2,2 millions de Bansky? 2,2 millions de photographes, 2,2 millions d’acteurs, 2,2 millions de photographes, de blogueurs, d’instagrameurs ou influenceurs, de musiciens ou de cuisiniers et d’auteurs. Il y a 2,2 millions d’habitants à Paris une ville qui a réalisé depuis des siècles un coup d’état sur la culture, l’art et le reste. Mais quand les ambitieux s’attaquent aux murs, nous en payons le prix tous les jours.
« À Paris, il y a des impôts sur tout, on y vend tout, on y fabrique tout, même le succès. »
Honoré de Balzac
On colle des affiches, on projette aux murs des messages publicitaires, bref les sociétés passent en « mode licorne » pour créer des messages volontairement disruptifs. Même les partis politiques s’y mettent. Un parti se réclamant écolo à même recouru à l’utilisation de pochoir et de peinture pour appeler à voter pour son candidat à la présidentiel. Entre la mairie de Paris et le parti des verts, la guerre est déclarée. Mais ça c’est déjà une autre histoire. A Paris tous les coups semblent permis et le premier qui prononce « saccage Paris » sera disqualifié du débat démocratique.
fin de la blague