Lorsque j’étais enfant, mon grand-père nous racontait souvent à mon frère et à moi l’histoire de Narcisse. Un personnage de la mythologie grecque. Un jeune homme qui passait son temps à regarder son reflet dans l’eau. Si bien qu’à force de se regarder dans le reflet de l’eau, il tomba amoureux de sa propre image. Puis cette habitude devint maladive. Et à force de courir après sa propre image, il finit par tomber dans un lac et y perdre la vie. Lorsque l’on s’intéresse au phénomène des morts par selfie on ne peut s’empêcher de constater que depuis la mythologie grecque, la situation n’a pas vraiment évolué et l’être humain est toujours confronté aux mêmes turpitudes. En 2000 ans d’histoire nous sommes toujours confrontés aux mêmes démons et nos smartphones d’aujourd’hui sont désormais devenus les lacs d’hier.
Les morts par selfies toujours en augmentation
Il y a quelques temps déjà un le JFMPC, une revue médicale indienne évoquait un chiffre qui depuis a été largement repris dans la presse. Entre octobre 2011 et novembre 2017, le Docteur Agam Bansal a recensé 259 morts par selfies. L’âge moyen des « victimes » était de 23 ans et il notait également que les trois quarts des victimes étaient des hommes. En 2021, soit quatre ans plus tard, le Figaro relevait que les morts par selfies s’élevaient à 379 cas.
Ces décès étaient liés à des prises de risques inutiles pour tenter de faire des clichés les plus viraux possibles. Résultat, en étant trop concentrés sur l’écran que sur le danger les « Narcisses du XXI ème siècle » y perdirent leur vie. Les smartphones seraient-ils en train de prendre la place des moustiques comme nouveau moyen de régulation de l’espèce humaine?
Les morts par selfie cinq fois plus nombreux que les attaques de requins
Lorsque l’on regarde les statistiques, on remarque qu’il y a environ six morts par an à cause des requins. Les morts par selfies se montent quant à eux à une cinquantaine par an, soit un par semaine en moyenne. Il y a donc un rapport d’un à huit ou neuf. Et les choses ne vont pas aller en s’arrangeant.
Encore une fois nous voilà confrontés à un grand classique qui n’est autre que la gestion de nos peurs. Nous avons peur de prendre l’avion alors que la majorité des morts dans les transports concernent les voitures, les piétons et les motards.
En France, pour l’année 2018, on avait encore 3 259 personnes tuées sur les routes. Et absolument personne n’a peur en montant en voiture. Mais tout le monde a peur des requins ou même à l’idée de prendre l’avion. Et c’est exactement ce qu’il se passe avec les selfies. Se prendre en photo au bord d’un précipice aurait donc quelque chose de particulièrement réconfortant. Le téléphone, devenu le « doudou des temps modernes » permet donc d’affronter des situations dangereuses jusqu’à en perdre la vie. L’écran obnubile son utilisateur jusqu’à lui en faire perdre la notion du danger. Il n’est pas rare de voir des citadins traverser des endroits lugubres ou des passages cloutés, les yeux rivés à leur téléphone. Bref l’écran réconfortant de votre téléphone et son usage intensif pourrait bien vous faire perdre la vie.
Pour en finir avec les attaques de requin
Lorsque l’on s’intéresse au nombre de victimes des requins dans le monde, on s’aperçoit qu’il y a tout d’abord un très grand nombre d’attaques. Entre 2005 et 2014 on a par exemple répertorié 701 attaques (cf : international shark attack file). Mais seulement 44 d’entre elles auront été mortelles.
Les endroits les plus dangereux sont l’Australie avec 15 morts recensés sur une période de 10 ans. Puis vient ensuite l’Afrique du Sud et 13 morts. Et sur la dernière marche du podium, c’est l’île de la Réunion où il y a eu 6 morts (entre 2005 et 2014).
En ce qui concerne les attaques, c’est tout d’abord la Floride qui arrive en tête avec 219 attaques (pour seulement deux morts), puis l’Australie avec 123 attaques (dont 15 attaques mortelles). Vient ensuite l’archipel d’Hawaï avec 55 attaques sur 10 ans dont seulement une seule fut mortelle et l’Afrique du Sud avec 40 attaques dont treize d’entre elles furent mortelles.
Les pays où les selfies font le plus de morts
En première place du nombre de morts par selfie on trouve l’Inde avec 159 décès en 6 ans, ensuite la Russie puis les Etats-Unis.
1. L’Inde
Concernant l’Inde il reste difficile de tirer des conclusions. Néanmoins dans un pays où l’on a vendu près de 800 millions de téléphones c’est logique de retrouver l’un des pays les plus peuplés du monde en tête du classement.
2. La Russie
Par contre les russes ont longtemps été les champions de l’escalade de bâtiments urbains. C’est pour cela d’ailleurs que l’on retrouve ce pays en tête des morts par selfies. De nombreux jeunes perdent effectivement la vie en tentant d’escalader des
3. Les Etats-Unis
Concernant les Etats-Unis il faut reconnaître que l’exhibitionnisme est plus répandu. Cette réflexion peut paraître certes un peu déplacée. C’est pourtant la photographe américaine Jane Evelyne Atwood qui tire ce constat dans l’émission de Brigitte Patient sur France Inter le 29 juin 2019. Il est quasiment impossible pour elle de photographier un accouchement en Europe. Alors qu’aux Etats Unis cela ne pose aucun problème aux femmes.
Les Etats Unis occupent donc la troisième place des pays où l’on meurt le plus par selfies.
L’exhibitionnisme et la recherche d’une certaine popularité qui sera irrémédiablement monétisée, restent donc le moteur de ce genre de prise de risque.
Mourir pour les réseaux sociaux
On peut mourir pour un selfie, mais il existe un autre type de mort qui est une conséquence de la mort par selfie. En effet le besoin de reconnaissance peut pousser certains internautes à réaliser des actions dangereuses filmées par un tiers et qui se révèlent être mortelles en bout de course.
Pour rappel, aussi influent que vous soyez, n’oubliez jamais que vous produisez toujours du contenu pour les réseaux sociaux. « Votre communauté » ne vous appartient pas. Et même si vous monétisez votre audience, n’oubliez jamais que vous n’êtes qu’un profil d’utilisateur parmi d’autres. Et surtout que votre chef c’est l’algorithme du réseau social. A terme vous devrez payer pour atteindre vos abonnés. Vous en doutez? Alors pourquoi sur FB même vos amis proches ou votre famille ne voient plus ce que vous publiez?
Un faux suicide devenu un véritable accident mortel – Tik Tok, mai 2021
Cette information très officielle a été relayée par l’AFP. La police pakistanaise ayant annoncée qu’un pakistanais de 19 ans s’était « tiré par maladresse une balle dans la tête, alors qu’il souhaitait juste simuler un suicide. Le jeune homme voulait se filmer puis publier sa vidéo qu’il espérait le plus viral possible sur un réseau social très populaire chez les jeunes.
Hamidullah était une petite célébrité locale. Avec une communauté de près de 8000 personnes, il espérait gagner en popularité ou en visibilité et gagner encore un peu plus en influence. Environ 600 vidéos déjà publiées et toute une vie devant soi. Mais le sort en décida autrement. Un de ses amis lui avait prêté un pistolet pour l’occasion. Hamidullah n’écoutant que son désir de faire le buzz, s’empara du pistolet, il se le colla sur la tempe et appuya sur la gâchette en ignorant que le pistolet était chargé. Il est mort sur le coup. Mais la vidéo qui bien que n’ayant pas été diffusée sur Tiktok, a été néanmoins, diffusée en temps réel dans son groupe d’amis. Un clap de fin presque mondial pour Hamidullah.
Tik Tok et le Pakistan, à la vie à la mort
On dénombre pour l’année 2020 deux victimes au Pakistan. Le premier c’est tout d’abord un adolescent qui s’est fait écrasé par un train en se filmant le long des rails à Rawalpindi. La seconde victime identifiée était un agent de sécurité qui s’est tué avec son arme de service (une kalashnikov) alors qu’il jouait avec son arme en se filmant pour le même réseau social.
Instagram et l’influenceuse en Bikini
Une taïwanaise avait trouvé un concept qui faisait fureur sur Instagram. Elle mélangeait la mode dénudée et la nature. Elle postait des photos d’elle un peu dénudée – l’un des rares leviers qui permet d’obtenir un grand nombre de « j’aime ». Ce genre de photo qui serait, on le soupçonne fortement, poussé par l’algorithme de l’ingénieur informatique Marc Zukerberg.
Cette jeune femme gravissait donc des petits sommets pour développer sa communauté. Une fois arrivée au sommet, elle se faisait prendre en photo en bikini. Et c’est à l’occasion de son centième sommet qu’elle fit un faux pas et malheureusement pour elle, ce n’était pas un « fashion faux pas ». Elle est morte sur le coup, en bikini. L’histoire ne dit pas si le célèbre réseau social lui a envoyé une couronne de fleurs ou un badge de certification pour le jour de son enterrement.
Autre décès mais toujours pour un selfie en altitude:
Un quinquagénaire allemand décédait en 2017 après essayé d’avoir fait un saut alors qu’il se trouvait sur le site péruvien du Machu Picchu. Lors de se saut qui devait être combiné à un selfie, ce touriste allemand fit une chute mortelle de près de 40 mètres.
Les autres morts par selfies pour les réseaux sociaux
– Un népalais de 58 ans qui s’était arrêté, un vendredi 16 avril 2016, pour se prendre en photo à côté d’un troupeau d’éléphants à Saptari dans le sud-est du pays, perdra la vie après s’être fait charger puis piétiner à mort.
Moins triste, en Inde, dans la région du Kerala un jeune homme de 37 ans a été chargé par un éléphant. Un animal à qui il venait d’offrir une banane et avec lequel il tentait de prendre un selfie. Plus de peur que de mal celui-ci a été sauvé par des riverains. Mais Sreelal (le jeune indien) a tout de même fini à l’hôpital après avoir reçu un violent coup de trompe à la cuisse.
– L’une des pionnières de la mort par selfie fut une fan de Pharrel Williams. En 2014 Alors qu’elle écoutait le succès planétaire « Happy » en conduisant sa voiture en Caroline du Nord, elle a fait un écart sur une route à double sens. Malheureusement pour elle, en sens inverse circulait un poids lourd qu’elle a percuté. Après le premier choc, elle a terminé sa route dans un arbre avant que son véhicule ne s’enflamme sur le coup.
– À Etretat une indienne faisait également une chute mortelle le 3 octobre 2022. Âgée de trente ans elle est tombée de la falaise alors qu’elle se prenait en selfie. À noter que cette indienne est la troisième femme de l’année à tomber des falaises. Avant elle il y avait eu une femme d’une soixantaines d’années en janvier et une jeune femme âgées de 24 ans. Toutes prenaient des photos avant leur chute respective.
Les Russes en embuscade sur le podium des morts par selfie (ou morts pour les réseaux sociaux)
– Pendant l’hiver 2017, dans le sud de la Russie un jeune homme de 26 ans s’est pris en photo avec une grenade dégoupillée dans la main. L’expérience s’est très mal terminée pour lui, il est décédé.
– En octobre 2017, une touriste russe a défrayé la chronique en République Dominicaine. En effet celle-ci , alors que la voiture roulait, a sorti sa tête de la voiture et s’est pris un panneau routier en pleine figure. Natalia Borodina est donc morte topless alors que sa copine conduisait et filmait en même temps son « amie ». L’accident a eu lieu sur une route non loin de Punta Cana. Après le choc la jeune Natalia a été transportée à l’hôpital où elle y est décédée quelques heures plus tard.
– En 2013 à Saint-Pétersbourg, c’est Pavel Kachine un jeune russe qui a fait une chute mortelle en réalisant un salto arrière. L’adolescent se trouvait alors sur le toit d’un bâtiment de 16 étages avant qu’il ne tombe après avoir raté sa réception. Transporté à l’hôpital il finira par décéder. Fait d’autant plus marquant, son père pris la décision de poster la dernière vidéo de son fils sur les réseaux sociaux. Et ce afin de dissuader les jeunes de pratiquer ce genre d’activités extrêmes.
– Mais apparemment le message n’est pas passé puisqu’une année plus tard, en 2014 donc, toujours à Saint-Petersbourg une jeune russe se tue alors qu’elle venait d’escalader un pont. L’idée était de se photographier (selfie) en haut de cette infrastructure. Ksenia Ignatieva, lycéenne de son état, avait donc réussi à atteindre le point le plus haut d’un pont ferroviaire. On suppose qu’elle a touché un câble à haute tension où qu’un arc électrique s’est formé à cette occasion. Elle a été finalement retrouvée morte au pied du pont par la police.
La Norvège, le pays où un selfie peut vous coûter la vie
L’histoire la plus tragique de la Norvège s’est malheureusement déroulée sur l’un des sites les plus majestueux de Norvège, Trolltunga. A la fin de l’été 2015, le samedi 5 septembre, une étudiante australienne en échange à l’université de Bergen fit une chute mortelle depuis la langue du Troll. Ce rocher, à la forme si particulière, est en fait un gigantesque rocher qui s’est détaché de la montagne pour finir à la perpendiculaire, jouant ainsi le rôle de belvédère naturel.
Les autres lieux dangereux en Norvège sont : Prekeiskolen ou Kjerag qui sont autant de lieux où les visiteurs s’improvisent alpinistes pour le plaisir d’épater la galerie.
Les lieux qui recensent le plus de morts par selfie
L’endroit qui enregistre le plus de morts par selfie serait les chutes du Niagara. Suivi de peu de la plage de Pena (Brésil) ou le Taj Mahal (Inde).
Les causes
Il faut retenir qu’en général, les falaises (précipices, gratte-ciels, ponts, tours etc.) sont les lieux qui enregistrent le plus de morts par selfie. Il est en effet assez facile de chuter lorsque l’on est plus concentré sur son écran que sur les précipices qui nous entourent.
Ensuite il peut être utile de retenir que les milieux aquatiques sont également des endroits où les morts par selfies sont fréquentes. (Mer, lac, piscine etc.) Le fait de tomber dans l’eau peut en effet être suivi d’une hydrocution, d’une syncope ou d’une noyade (due à la panique ou à l’incapacité de savoir nager).
Les milieux sauvages où l’on trouve des animaux dangereux sont également à prescrire. En effet que ce soit avec les ours d’Alaska, les crocodiles du Nil, du Mexique ou du Sri Lanka, il vaut mieux être attentif à ce qui nous entoure. Les animaux sauvages tels que les serpents provoquent depuis la nuit des temps de milliers de morts chaque année.
crédits photos: Yann Ve
dernière mise à jour : 21 mai 2021