Holodamor, l’histoire du génocide ukrainien

L’Ukraine est un grand pays agricole, un pays qui se trouve aux confins de l’Europe et de l’Asie. Un pays hors norme qui est l’un des plus grands pays d’Europe. Devant la France si l’on exclut les territoires d’Outre-Mer mais juste derrière la Russie et ce même si l’on retrire à ce pays les territoires de l’Est sibérien. Holodamor c’est l’histoire de la grande famille en Ukraine. Des paysans privés de leur terre qui resteront pendant presque deux années sans ressource. Condamnés par Staline à manger du cuir et à faire cuire des soupes de racines, le peuple ukrainien a connu l’horreur. Pour comprendre l’histoire contemporaine, il faut indubitablement regarder vers le passé. Un moment de l’histoire où les autorités soviétiques considèrent les paysans comme des serfs ou des esclaves. Des êtres humains véléitaires et « bon à rien » qu’il fallait faire mourir. Une période de l’histoire où les autorités soviétiques allaient se révéler être bien pire que le tsarisme. Un régime qu’ils avaient renversé quelques décennies plus tôt. Et c’est donc ainsi que commença la terrible histoire du génocide ukrainien.

Le monument mémorial de Kiev en souvenir du génocide ukrainien
Le monument mémorial de Kiev en souvenir du génocide ukrainien

La famine en Ukraine, l’histoire d’un génocide

Comme toujours, avec les tueries de masse viennent les questions sur les chiffres, sur le déroulement présumé ou supposé. Une histoire qui forcément est difficile à exhumer puisque l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs ou du moins les survivants. Les vainqueurs peuvent manipuler l’histoire, tandis que les survivants s’en sont sortis car ils n’ont pas été confronté au pire du pire. Les survivants sont généralement et par définition des gens qui ont pu éviter le pire. Et par conséquent certains d’entre eux n’ont pas pu mesurer l’entière brutalité et l’entière horreur de cette période de l’histoire. L’être humain oublie vite et cela s’appelle la résilience.

Attention, le propos ici vise à expliquer que l’horreur qui a pu être rapportée par les survivants peut se trouver être en deça de la réalité. Celui qui a vu toute sa famille mourrir de faim pour ensuite se voir mourir lui-même à petit feu, ne pourra jamais témoigner.

Le début de la tragédie ukrainienne

En ukrainien le terme Holodamor signifie littéralement le fléau de la famine. Holodamor est composé en fait de deux mot « holod » ou « golod »  (en fonction des transcription phonétique) signifie la faim (ou la famine). La deuxième partie du mot « mor » signifie quant à elle le fléau. Lorsque l’on interprète le terme holodamor on peut traduire par l’extermination par la famine.

Holodamor est donc un terme qui aujourd’hui désigne un terrible génocide qui se déroula sur deux années civiles, 1932 et 1933. Staline, le grand ponte de l’Union Soviétique organise une terrible famine qui entraîna la mort de cinq millions de personnes.

1931

Tout commencera en 1931 ou très précisement 41,5% des récoltes seront prélevées. Le seul problème c’est que l’état ne prélève pas 41,5% des récoltes effectives mais 41,5% d’un volume qui a été déterminé en amont par le plan. Hors en agriculture, il est difficile de savoir précisémment ce qui sera récolté ou pas. Les années se suivent mais les récoltes ne sont jamais les mêmes et au bout du compte on est souvent surpris. À la fin de l’année 1931 on enregistre déjà 150 000 morts et l’hiver ne fait à peine que de commencer.

Les récoltes ne sont vraiment pas bonnes et entre l’automne 1931 et le printemps 1932 des sanctions tombent contre les secrétaires du parti qui n’ont pas su respecter le plan.

1932

L’année 1932, ne se déroule pas mieux que celle de 1931. Une première récolte à lieu en mai, malheureusement un grande partie de la récolte est ponctionné et l’Ukraine connaît un épisode de famine entre les mois de mai et de juillet. Ce sera l’occasion pour staline de tenter de redresser la barre en annonçant une nouvelle orientation politique : la Nouvelle NEP.

La famine de 1921

Pour information la NEP (nouvelle economie politique) avait été lancée en 1921 pour relancer le pays qui déjà à l’époque était confronté à la famine. Avec la NEP, les surplus agricoles ne sont plus confisqués par l’état. Une dose de capitalisme était donc induite, les paysans étaient donc incités à produire plus car ils pouvaient vendre leur éxcédent.

Néanmoins la nouvelle Nouvelle Economie Politique n’a de nouveau que le nom. Car en sous-main Staline ordenera à Molotov de rester sur les montants initiaux. Mais les campagnes de collectes sont catastrophiques et les quantités prélevées sont vraiment faibles.

En reponse à ces difficultés pour réquisitioner les récoltes, Joseph Staline, le petit père des peuples instaure la loi des épis. Une loi qui permet de condamné à dix années de prison ou à la peine de mort, toute personne qui sera surprise à voler ou dilapider les récoltes. Des récoltes qui restent la seule propriété de l’Etat. Résultat plus de 120 000 personnes seront condamnées et 5000 seront condamnés à mort et éxécutées. La faute est donc rejetée sur les présidents de kolkhoze et les ruraux. Et c’est à partir de novembre 1932 que les choses s’accélèrent. Staline veut punir le peuple, en d’autre terme il va organiser un génocide en bon et due forme. Par une série de décisions hératiques, illogiques et brutales.

Novembre 1932

En novembre 1932 il est décidé que les paysans doivent rendre « l’avance » de grains consentie au titre des semences. Deux jours plus tard il est décidé que les paysans qui n’ont pas atteint les quotas doivent s’acquiter d’une amende. Cette contravention est payable uniquement en nature, c’est à dire en viandes. Mais le paiement de l’amende ne les dispense pas de s’acquitter du quota de grains qu’ils devaient fournir. C’est la double peine. Le mois de novembre s’achèvera sur deux décisions ubuesques. La seule Ukraine devra fournir le tiers des récoltes de toute l’Union pour 1933 mais ce n’est pas tout. Les fermes collectives qui n’ont pas respecté remplis leur quota sont condamnées à verser quinze fois la quantité mensuelle des grains exigibles.

Décembre 1932

Si jusqu’alors les décisions prises en novembre se limitaient à des « sanctions économiques vexatoires » les décisions de décembre 1932 ne laissent aucun doute sur les visées criminelles de Staline. Il demande d’envoyer au goulag ceux qui ont permi le sabotage de la collecte et des récoltes. Une directive qui permit d’envoyer 71 000 personnes dans les camps en 1932 et 230 000 personnes en 1933. Puis Staline exige que tous les stocks de céréales soient prélevées en janvier 1933. Il interdit également aux paysans de quitter leur lieu de résidence, par un système de propiska ou de domiciliation stricte. Enfin pour éviter que les paysans vivent illégalement dans les villes, Staline interdit purement et simplement la vente de billet de train aux ruraux. C’est une circulaire signée de la main de Staline et de Molotov qui enterrine cette décision dont la visée était clairement criminelle et intentionelle.

1933 et l’Ukraine bascula toute entière dans l’horreur

Entre 1932 et 1933, on relève que les exportations de céréales ont dépassé les trois millions de tonnes. Ce qui permettait de financer l’industrialisation de l’URSS.

« Quand les gros sont maigres, il y a longtemps que les maigres sont morts. » Citation du grand philosophe chinois Lao Tseu

C’est à un ingénieur autrichien, ancien étudiant de l’université de Vienne, un certain Alexander Wienerberger que l’on doit une partie des preuves irréfutables de la grande famine du début des années 30. Cet homme, qui se retrouva prisonnier derrière le rideau de fer à partir de 1919, fut brièvement emprisonné avant d’être affecté dans le secteur industriel soviétique. Il travailla donc pendant de nombreuses années dans des usines chimiques à travers l’URSS. A l’occasion de son séjour à Kharkiv il sera témoin de scènes irréelles et il aura la présence d’esprit de réaliser quelques clichés. Illégalement, il réalisera donc une centaine d’images à l’aide d’un Leica. Pour exfiltrer ses images interdites il se rapprochera de son ambassade. Les photos seront finalement publiées une première fois en 1934. Et un an plus tard en 1935, toujours sous anonymat afin d’éviter toute poursuite. Le titre était sans équivoque « La Russie doit-elle mourir de faim? ». En 1939 Alexander Wienerberger publia son propre livre de photos sur la vie en URSS et il consacra deux chapitres au génocide ukrainien. Il publiera de nouveau des photos lorsqu’il rédigera ses mémoires en 1942. Lors de la grande défaite du III ème Reich, il évita soigneusement les zones contrôlées par les soviétiques et il parti à Salzbourg où il mourru à l’âge de 63 ans en 1955.

Les famines en Union Soviétiques

Si le génocide de 1932-1933 provoqua la mort de cinq millions de personnes, ce ne fût malheureusement pas la dernière famine que due affronter l’URSS. Il y eut par exemple la famine de 1946-1947, un moment de l’histoire où la sécheresse et les conséquences de la Seconde guerre mondiale provoquèrent plus d’un million et demi de morts.

1921, 1933, 1947 autant d’années noires où des millions de personnes périrent pour un système collectiviste et une idéologie mortifère dont le seul but était la marche forcée vers l’industrialisation.

Paul Klebnikov, un journaliste de Forbes assassiné dans les rues de Moscou au début des années 2000, disait que les russes avaient peur de deux choses, mourir de faim et mourir de froid.