Dans les coulisses des affaires insolites du Quai d’Orsay

Le Quai d’Orsay est le ministère des Affaires Etrangères françaises. L’un des ministères les plus prestigieux où l’on analyse et où l’on suit avec attention les soubresauts géopolitiques du monde entier. Pour réaliser ce dossier nous avons pu approcher à plusieurs reprises des personnes ayant travaillé de près ou de loin au Département.

Un huissier marchant dans le long couloir du Département
Au coeur des coulisses du Quai d’Orsay

Immersion dans les coulisses du Quai d’Orsay, un Palais pas comme les autres

Un Palais admirable et remarquable
Le célèbre couloir du Ministère des Affaires Etrangères à Paris

Ce magnifique bâtiment situé dans le 7 ème arrondissement de Paris porte le nom de la rue dans laquelle il se trouve. Le Quai d’Orsay occupe un vaste espace bordé par les quais de Seine et sur son aile gauche on y trouve l’esplanade des Invalides. Bien que le MAE se partage avec la présidence de la République la gestion des Affaires Etrangères, son rôle n’en demeure pas moins stratégique. Néanmoins le Quai d’Orsay peut se retrouver à gérer des problématiques locales qui sont aux antipodes de ses préoccupations habituelles. En effet le Palais était envahi de rats et de souris, la guerre était déclarée et le Ministère en Etat de siège. Retour sur un épisode insolite où tout à failli basculer.

Un chat sous les ors de la république
Une salle de réception du Ministère des Affaires Etrangères – pour un chat rien n’est jamais trop beau

Les chats du Palais, une leçon de géopolitique appliquée

Aimable et courtois
L’un des deux chats souriciers du Quai d’Orsay

Un si grand bâtiment en plein coeur de Paris peut connaître quelques tracas. En effet les grands espaces de ce vieil édifice étaient devenus avec le temps, un lieu de villégiature idéal pour les souris. En cette fin 2017, quand le cri d’alarme fut émis, le combat contre ces rongeurs semblait perdue d’avance. Le recours aux sociétés de luttes contre les souris se révélèrent vains. Les résultats fussent-ils bons sur le court terme n’étaient jamais définitifs. Car avec le temps les souris finissaient irrémédiablement par retrouver leurs habitudes et revenir sur leur lieu de résidence favori.

C’est alors qu’au lieu de continuer la guerre contre les souris, le Ministère des Affaires Etrangères décida, à la surprise de tous les observateurs, de cesser les hostilités. Et ce sans pour autant renoncer à sa ligne politique. Bien que cela semblait contre intuitif, ce fut la bonne décision.

En effet il devenait urgent de stopper la lutte sur le terrain et les dépenses dans un combat qui était perdu d’avance. Il fallait donc tout arrêter, le combat et la débauche de moyens dédiés à cette lutte, tout en envoyant un signe politique fort à la partie adverse. Le troisième plus grand réseau diplomatique du monde ne pouvait pas se laisser déborder par une armée de souris. Il devenait donc urgent de se débarrasser de cet épineux problème en utilisant un stratagème peu coûteux mais non moins efficace.

Un ennemi invisible

Un agent veille sur les souris nuit et jour
La cellule de veille à l’hôtel du Ministère des Affaires étrangères

Les cadres d’Orient et autres analystes politiques du Quai d’Orsay connaissent bien toutes les problématiques liées à la guérilla, aux conflits de basse intensité ou aux actions terroristes. Lorsqu’une des deux parties prenantes à un conflit n’est pas en mesure de lutter à armes égales, elle se terre, elle se cache pour mener des actions ciblées. Un harcèlement en continu qui fini toujours par fatiguer et atteindre le moral des troupes. L’ennemi est insaisissable et il est impossible de le neutraliser. Tous les experts vous le diront, la guérilla est le seul mode d’action possible lorsqu’un petit groupe déterminé souhaite s’attaquer à un Etat.

Mais les membres du département ne pouvaient se résoudre à engager des fonds pour aussi peu de résultat et surtout de continuer à subir des nuisances. Déclarer la guerre totale contre les souris était une entreprise incertaine. Un conflit où il y avait tout à perdre et pas grand chose à gagner.

Un changement de doctrine en deux temps

Les fameux chats souriciers
Le tour de ronde de Noé et Nomi

C’est alors qu’après avoir pratiquement tout essayé que la doctrine du Département changea fondamentalement. Il existe en effet en géopolitique un vieux principe qui veut que « l’ennemi de mon ennemi soit mon ami ». Or dans le cas présent l’ennemi des souris est depuis la nuit des temps le chat. Il fallait donc recourir à l’aide précieuse d’un allié peu enclin à obéir aux ordres mais dont la seule présence permettrait une avancée notable vers la résolution du conflit. C’est ainsi que furent adoptés deux chats, qui furent baptisés Nomi et Noé. 

Leur nomination ne doit rien au hasard, car Nominoé était en fait le premier roi de Bretagne. Un clin d’oeil aux origines bretonnes d’un ministre des Affaires Etrangères encore en exercice et bien connu des français. Une façon aussi de signifier aux deux chats un semblant de hiérarchie.

« Si tu veux la paix, prépare la guerre »

Un fin limier au quai d'Orsay
Ce chat se réchauffe sur une bouche d’aération du Quai d’Orsay

La présence des chats « souriciers » ne déclencha pas pour autant une hécatombe parmi les souris. Car la ligne politique choisie restait la dissuasion plutôt que l’élimination. Le rôle des chats Nomi et Noé étant surtout d’assurer une dissuasion suffisamment forte pour que leur seule présence permette de repousser l’ennemi en dehors les murs du Palais. Tout en faisant, bien entendu, usage de la force en cas de provocation manifeste. 

Ce changement de doctrine fut une victoire diplomatique incontestable. Une approche qui servira peut-être d’exemple à l’avenir à d’autres ministères. Nous pensons par exemple aux ministères de la place Beauvau ou à un secrétariat d’état de la rue de Grenelle. Ce sont en effet deux ministères dont les maîtres des lieux ont fait également écho des difficultés notables qu’ils rencontrent avec les souris. Des ministères dont les compétences sont indéniables mais qui par nature sont nettement moins bien rodés aux techniques de la diplomatie. La diplomatie qui est, rappelons-le, un savoir-faire qui permet de mener une bataille ou de régler un conflit sans faire la guerre.

Le tour de ronde d'un chat souricier
Un chat dans les salons de réception du MAE

Des souris au Quai d’Orsay, un juste retour des choses ?

Petit rappel historique: en 2017, le Quai d’Orsay se déclare envahi par les souris or tout cela ne pourrait être en fin de compte qu’une vaste histoire de Karma.

En effet, il y a plus d’une dizaine d’années maintenant certains cadres de la maison avaient pris pour habitude d’affubler l’un des anciens maîtres des lieux, d’un surnom qui n’était autre que « Mickey d’Orsay ». Tout ça parce que le ministre de l’époque avait confondu Taïwan avec la Thaïlande. Le jeu de mot était subtile et cruel. Cette blague gravait donc à jamais dans le marbre, au mieux le lapsus d’un ancien ministre, au pire ses lacunes en géographie.

Un peu d’humour ne fait pas de mal me direz-vous. Mais était-ce finalement une si bonne idée que cela de donner au chef de la diplomatie le nom du roi des souris? Les années passèrent et on oublia jusqu’à l’existence de « Mickey d’Orsay » et ce jusqu’au jour où les souris envahirent le palais.

Les adeptes de la théorie du karma ou de l’ironie du sort n’y verront donc qu’un juste retour des choses. 

Oh chat alors
Il y a le mobilier et les chats du Quai d’Orsay – ou plutôt une sorte d’arbre à chat de la République

crédits photos: Yann Ve

remerciements: Arnaud