Les risques de pollution au Plomb autour de Notre Dame

L’évènement tragique du 15 avril 2019 a laissé tout le monde sans voix. Plus de trois mois après l’incendie, l’enquête judiciaire semble être au point mort. Mais ce qui inquiétait au plus haut point les parisiens c’était les risques. Un problème non négligeable de pollution au plomb autour de Notre Dame qui avait été un peu vite été balayé par les autorités. En 2021, le problème persiste toujours et le préfet a même interdit l’accès au parvis de Notre Dame.

Photo en arrivant sur l'île Saint-Louis le 15 avril 2019
Le nuage chargé de plomb s’échappant de l’incendie de Notre Dame

Le plomb de Notre Dame

Une boule de feu dans les fumées chargées de plomb, lors de l'incendie de Notre Dame
Une boule de feu dans les fumées chargées de plomb, lors de l’incendie de Notre Dame

Le 15 avril 2019 en tout début de soirée, il fait beau à Paris, mais un évènement vient troubler la quiétude de cette belle journée de printemps. Les radios informent que de la fumée s’échappant de Notre Dame de Paris aurait été aperçue par de nombreux passants.

En arrivant sur les lieux pour couvrir cet évènement tragique, je commence à être un peu irrité au niveau de la gorge au niveau de la rue Boutarel, sur l’île Saint-Louis.  Je tousse à plusieurs reprises, aucun doute les fumées sont toxiques et je ne pourrais pas rester trop longtemps. Et puis le vent a commencé à souffler de nouveau depuis le sud-est et les fumées sont parties vers l’Ouest parisien.

Mais c’est lorsque l’on a commencé à investiguer sur les causes de l’incendie que tout s’est accéléré. Certains ont fait part de leurs craintes concernant l’origine criminelle de l’incendie de Notre Dame. Pourquoi? Et bien parce que la couleur des fumées semblaient beaucoup trop chimiques pour provenir de la charpente en chêne. Des journalistes, « bien attentionnés », en faisant leur travail de vérification des sources, ont formellement démenti la piste criminelle de l’incendie. Et c’est en faisant ce travail de vérification qu’une autre information est arrivée à la surface.

Le travail de la presse

Le 25 avril 2019, un journal national publie un article :  » Pourquoi la fumée de l’incendie de Notre Dame était-elle jaune ? ». Dans l’article de type « check news » on explique en long en large et en travers, que l’incendie n’est pas dû a un mélange hautement inflammable. Car après réflexion, c’est le plomb qui est à l’origine de la couleur jaune des fumées. Et c’est tout.

Fermez le ban, il n’y a rien à voir. Car à ce moment la priorité c’est de couper le cou à la rumeur de l’incendie criminel. A cet instant personne n’a en tête les conséquences que peuvent avoir une intoxication au plomb sur la santé. Et a priori pas grand monde ne semble s’en préoccuper. Il faut reconnaître que l’on connaît plutôt des cas de contamination chronique à cause du plomb – c’est à dire sur le long terme. Et que l’on a nettement moins d’information sur les intoxications aigues.

Quelles est l’origine des fumées jaunes ?

Le 25 avril également un grand quotidien publie un article : « Fumée jaune, vieux chêne: ces vidéos sur l’incendie de Notre Dame qui ne démontrent rien ». Idem, même scénario, l’article se concentre sur les thèses complotistes. Tous les arguments qui laissent penser à un acte malveillant sont soigneusement démontés un par un. A la fin de l’article on évoque « une combustion de plomb ». Mais ce qui est troublant c’est que dans l’article des décodeurs – section vérification, c’est l’absence de mise en garde sur les fumées dues au plomb. On nous présente donc des spécialistes en Chimie, des enquêteurs dont l’un des intervenants « ironise » même pendant l’interview. Et à aucun moment ces spécialistes n’évoquent le problème que pourrait représenter plusieurs dizaines de tonnes de plomb parties en fumée dans l’atmosphère dans le ciel parisien.

Dix jours après le drame, certaines rédactions savent que l’accident n’est pas d’origine criminelle, écrivant même que la piste de l’accident n’avait rien d’invraisemblable. Alors que quelques mois après on apprendra que des mégots avaient été retrouvés sur place, mais que cela ne prouve rien. En cette fin du mois d’avril, on ne s’interroge donc pas vraiment sur les retombées du plomb, l’heure est plutôt au démontage des soupçons sur un possible accident d’origine criminelle.

Mais début mai 2019 c’est la fin du silence de plomb et les rédactions commencent petit à petit à s’interroger sur les conséquences de cet incendie sur la santé des habitants du centre ville et les conséquences sur les écoliers de Paris.

Les soupçons de pollution au plomb suite à l’incendie de Notre Dame

C’est donc en voulant discréditer la « thèse de l’attentat ou de l’incendie criminelle » qu’une information capitale est apparue. Il y avait 200 tonnes de plomb dans la toiture et également 250 tonnes de plomb dans la flèche. Et tout cela est parti en fumée en formant un gros nuage. Néanmoins il reste difficile à quantifier la partie de plomb qui a fondu et celle qui est partie en fumée dans l’atmosphère. Des experts viendront peut-être nous expliquer un jour qu’en fait il ne faut pas se faire de soucis car en fait c’est la quasi totalité du plomb qui aurait fondu. Nous aurons ensuite droit aux messages sponsorisés de Facebook sur les différentes plateformes des réseaux sociaux pour nous dire qu’il ne faut pas s’inquiéter outre mesure sur les décisions prises par le gouvernement.

Mais lorsqu’il s’agit de nuage, les français ont plutôt une bonne mémoire. Car tout le monde se rappelle de l’histoire ubuesque racontée dans les années 80 sur certains plateaux de télévision. Nous sommes en à la fin du mois d’avril 1986 et des spécialistes en tout genre expliquent que le nuage radioactif suite à la catastrophe de Tchernobyl s’est brutalement arrêté à la frontière franco-allemande, franco-belge, franco-suisse et franco-italienne. Comme quoi, parfois les frontières peuvent être assez efficaces. Et certains programmes météos iront même jusqu’à dire que c’est le vent qui a tourné permettra de repousser le nuage vers l’Europe Centrale. On nage en plein délire et seul le temps et le recul historique nous permettent de tirer le vrai du faux.

Un incendie empoisonné

Il faudra attendre donc quelques temps avant d’apprendre que le nuage  de Tchernobyl a bel et bien traversé la frontière. Malheureusement rien n’a été fait sur le plan sanitaire. Et à l’époque, en France, la seule région a être plus où moins épargnée fut la Bretagne.

Il en va de même pour les études faites sur la pollution au plomb, où celle-ci semble s’être arrêtée au parvis. Un chiffre symbolique, 33 ans après le nuage de Tchernobyl nous sommes confrontés aux mêmes déclarations de nos dirigeants, les centaines de tonnes de plomb qui seraient parties dans l’atmosphère et qui bien entendu ne seraient pas dangereuse pour la santé.

La pollution au plomb à Paris et tout autour de la cathédrale
L’incendie de Notre Dame de Paris et la question du plomb

La question de la présence de plomb autour de Notre Dame de Paris

Pendant quelques semaines il ne s’est donc pas passé grand chose. On a vu passer des papiers et quelques vidéos mais sans plus. Et puis il y a le tour de France. Et le 14 juillet, la France s’en est allée en vacances.

Mais voilà après un peu plus de trois mois d’analyses, l’Agence Régionale de Santé a émis un rapport. « Rien d’anormal mais on continue à être attentif ». En ce qui concerne les seuils d’alerte qui devraient servir à savoir quels sont les taux de plomb en présence et bien, ils ont été définis pendant les trois mois qui viennent de se passer.

Nous avons donc perdu beaucoup de temps, pour qu’un seuil soit fixé. Entre temps on apprend que c’est l’Agence régionale de Santé qui l’a fixé. Alors que normalement ce seuil aurait dû être fixé par un autre organisme, le Haut Conseil de la santé publique. En temps normal, c’est uniquement cet organisme qui a la main et les prérogatives pour fixer des seuils.

L’autre problème c’est que les mesures sont faites sur un périmètre qui ne concerne qu’une petite partie de la ville de Paris.

A partir du moment où le rapport de l’Agence Régionale de Santé est émis le 18 juillet 2019, on commence à avoir des billes pour comprendre ce qui s’est réellement passé.

Le problème de la pollution au plomb

Le plomb fait parti des métaux lourds et comme tous les métaux lourds lorsqu’ils se retrouvent dans l’organisme puis ils provoquent des maladies.

Pour l’être humain, l’exposition à ce métal est néfaste. Et ce même lorsque de faibles doses ont été absorbées. La principale intoxication au plomb est appelée saturnisme. Elle touche en premier lieu les enfants et les femmes enceintes. Cette maladie entraîne un retard de développement pour les enfants mais aussi une baisse de l’audition et de la croissance. Le plomb peut provoquer de l’anémie, de l’hypertension ou perturber le système immunitaire. Bref le plomb est un poison aux effets irréversibles et c’est l’OMS qui le dit. (ndlr)

Le problème du plomb

Et pour éliminer des traces de plomb dans le sang cela peut prendre des années. Le plomb peut-être est soit ingéré ou inhalé, l’intoxication peut être chronique (poussière sur le long terme – eau du robinet passant par des tuyaux en plomb) ou aigüe (absorption en une seule fois).

Dans tous les cas lorsque l’on dépasse les 450 microns par litre de sang il devient nécessaire d’entreprendre un traitement. Avec un médicament chélateur administré à l’hôpital, on va pouvoir aider à l’évacuation du plomb par les voies naturelles.

Une fois que le plomb est dans le sang, il est généralement évacué par l’urine et les excréments. Le plomb qui n’est pas éliminé va aller se fixer dans les os. Il lui faudra près de 20 ans pour disparaître à plus de 50%. Et comme pour la radioactivité on parle de demi-vie. Pour la deuxième partie, c’est plus complexe car la courbe est exponentielle. C’est à dire qu’au début la présence de plomb va baisser très vite. Pour sa disparition totale, le plomb va donc mettre beaucoup de temps.

L’association Robin des bois porte plainte contre la pollution de plomb autour de Notre Dame

Lundi 26 juillet 2019, devant tant d’incertitude et d’inaction des pouvoirs publics, l’association Robin des Bois a porté plainte contre X. En cause la pollution au plomb qui aurait pu toucher Paris et ses habitants.

Robin des bois est une association de défense de l’environnement. Et c’est à ce titre qu’elle est intervenue dans le dossier. C’est en quelque sorte la société civile qui commence à bouger. Une plainte a donc été déposée pour « carence fautives ayant pour conséquences la mise en danger délibérée de la personne d’autrui et la non-assistance à personne en danger« .

A noter que deux écoles ont été fermées à cause de concentration de plomb trop élevé. Ces deux écoles accueillaient près de 180 enfants durant l’été pour des activités classiques de centres aérés.

La flèche Notre Dame de Paris
La foule regarde la flèche prendre feu sur l’île de la cité

Le parvis de Notre Dame avait été réouvert au printemps 2020, mais un an après sa réouverture le préfet de Police de Paris a préféré interdire de nouveau cet espace aux parisiens. C’est le 18 mai 2021 que la nouvelle est tombée et que des barrières ont été installées pour en interdire l’accès.

L’ARS avait émit un avis le 14 mai 2021 qui proposait la fermeture sans délai du parvis de Notre Dame de Paris. Les mesures réalisées par cette organisme fin avril montrait une contamination au plomb qui se situait juste en dessous du seuil d’alerte, soit 5000 microgrammes par mètres carrés. Mai en l’espace d’un dizaine de jour la présence de plomb a été multipliée par deux. Deux fois le seuil d’alerte, il fallait impérativement faire quelque chose.

Notre Dame et le feu au niveau du toit de la nef de la cathédrale
Notre Dame et le feu au niveau du toit de la nef de la cathédrale

crédits photos: Yann Vernerie

dernière mise à jour le 8 juin 2021